L’ Incapacité du Monde à Apprendre de ses Échecs en Haïti
The Incapacity of the World to Learn from Its Failures in Haiti.
Par Patrick Prézeau Stephenson
United Nations, New York
— September 30, 2025. In a scene all too
familiar to seasoned observers of Haiti’s recent history, the United Nations
Security Council today voted to authorize yet another international
intervention in the beleaguered Caribbean nation. This time, the measure
establishes the “Gang Suppression Force” (GSF)—a multinational mission of 5,500
police, military, and civilian personnel, replacing the Kenya-led Multinational
Security Support Mission (MSS) whose mandate expires in mere days.
The GSF, with a renewable 12-month
mandate and voluntary funding, will have sweeping powers: conducting targeted
operations against gangs, securing essential infrastructure, and attempting to
restore the authority of a Haitian state that, in many areas, is now little
more than a memory.
The vote—hailed by diplomats from
Washington to Panama City—was unanimous. The world, it seems, agrees Haiti is a
crisis that can no longer be ignored. Yet, for those who have covered this
country’s repeated descents into chaos, today’s resolution has the air of déjà
vu. Haiti, once again, is cast as the world’s unfinished project—a place where
the international community returns, decade after decade, promising new
beginnings yet seemingly learning little from the painful lessons of the past.
At the heart of this symphony of concordant voices, China and Russia abstained—guided, perhaps, by some inscrutable back-end diplomacy. On the sidelines of the Security Council meeting, the voices of civil society and the "Komite Patriotik Sauvtaj Nasyonal" consortium, embodied by the tandem of Dr. Carole Berotte and the Honorable Michaëlle Jean, rose with unmistakable clarity.
The Cycle of Crisis and
Intervention
For many Haitians, the GSF’s arrival
is met not with hope, but weary skepticism. In Port-au-Prince, residents
remember the blue helmets of MINUSTAH, the cholera epidemic that followed, the
Kenyan police who arrived just last year, and the endless parade of missions,
mandates, and acronyms. Each intervention was billed as a turning point; each,
in time, became a symbol of frustration and unfulfilled promise.
The facts on the ground are grim.
Gangs control much of the capital and beyond, wielding power with a brutality
unchecked by an under-resourced, often politicized police force. The
government, led by an unelected transitional council, is widely seen as lacking
both legitimacy and capacity. Elections have not been held in almost a decade.
A humanitarian crisis deepens.
Yet, as the Hon. Michaëlle
Jean—former Governor General of Canada and now a prominent voice for Haitian
civic dialogue—told a recent summit on Haiti at the UN: “After practically a
decade without elections... the population haïtienne croule sous le poids
quotidien d’une insécurité extrême, d’une crise humanitaire aigüe et d’un
effondrement presque total des institutions publiques.” The international
community, she argued, has been “perennially indecisive, inert, and
inconsistent”—and, crucially, has failed to learn from its own mistakes.
The World’s Amnesia
What is striking is not the world’s
concern for Haiti, but its inability to remember its own history there. Decades
of “assistance” have oscillated between heavy-handed interventions and
hesitant, underfunded support. International missions have repeatedly failed to
build up Haiti’s own security forces, institutions, or rule of law. Sanctions
on gang leaders have proven toothless, arms still flow in from neighboring
states, and the cycle repeats.
The new GSF, like its predecessors,
is not mandated to address the deeper, structural drivers of Haiti’s
instability: chronic poverty, the collapse of the justice system, the corrosive
effects of corruption, and the profound sense of abandonment felt by ordinary
Haitians. Instead, it is tasked with “suppressing gangs” and “restoring state
authority”—as if these were objectives that could be imposed by foreign
bayonets, rather than painstakingly rebuilt from within.
International actors, meanwhile,
continue to champion “Haitian solutions”—even as their actions, however
well-intended, often crowd out local voices and undermine national ownership.
At the recent “Sommet sur les solutions: Haïti compte,” convened in New York on
the sidelines of the UN General Assembly, Haitian civil society groups and
academics pleaded for a process rooted in true inclusion, dialogue, and respect
for sovereignty.
The Price of Not
Learning
Why does the world keep making the
same mistakes in Haiti? The answers are complex, but familiar: the tendency to
seek quick fixes over patient institution-building, the allure of visible
action over sustained engagement, and the lack of accountability—both on the
part of Haiti’s leaders and their international partners.
Today, as the Security Council
congratulates itself and donor states pledge support, the hard work remains
ahead. “N'abandonnons pas Haïti,” urged Michaëlle Jean—do not abandon Haiti.
But neither should the world persist in interventions that leave the underlying
rot untouched.
If there is a lesson to be learned,
it is that Haiti’s future cannot be secured by force alone, nor by solutions
imposed from abroad. It will require humility, memory, and a
willingness—finally—to listen to the Haitian people.
Until then, the world’s incapacity
to learn from its failures in Haiti will remain not just a tragedy for
Haitians, but a stain on the conscience of the international community itself.
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L’incapacité du monde à apprendre
de ses échecs en Haïti
By Patrick Prézeau Stephenson
Nations Unies, New York – 30 septembre 2025. Dans
une scène tristement familière pour les observateurs chevronnés de l’histoire
récente d’Haïti, le Conseil de sécurité des Nations Unies a voté aujourd’hui
l’autorisation d’une nouvelle intervention internationale dans la nation
caribéenne en difficulté. Cette fois, la mesure établit la « Force de
Suppression des Gangs » (FSG) – une mission multinationale de 5 500 policiers,
militaires et civils, remplaçant la Mission de Soutien à la Sécurité dirigée
par le Kenya (MSS), dont le mandat expire dans quelques jours à peine.
La FSG, dotée d’un mandat initial de 12 mois
renouvelable et d’un financement volontaire, disposera de pouvoirs étendus :
mener des opérations ciblées contre les gangs, sécuriser les infrastructures
essentielles et tenter de restaurer l’autorité d’un État haïtien qui, dans de
nombreuses régions, n’est plus guère qu’un souvenir.
Le vote – salué par les diplomates de Washington
à Panama – a été unanime. Le monde, semble-t-il, s’accorde à dire qu’Haïti est
une crise qui ne peut plus être ignorée. Pourtant, pour ceux qui ont couvert
les descentes répétées du pays dans le chaos, la résolution d’aujourd’hui a des
airs de déjà-vu. Une fois de plus, Haïti est présentée comme le projet inachevé
du monde – un lieu où la communauté internationale revient, décennie après
décennie, promettant de nouveaux départs tout en semblant tirer peu de leçons
des douloureuses expériences du passé.
Au cœur de cette symphonie de voix concordantes, la Chine et la Russie se sont abstenues — guidées, peut-être, par une diplomatie de coulisse impénétrable. En marge de la réunion du Conseil de sécurité, les voix de la société civile et du consortium « Komite Patriotik Sauvtaj Nasyonal », portées par le tandem de la Dre Carole Berotte et de l’honorable Michaëlle Jean, se sont fait entendre avec une clarté incontestable.
Pour de nombreux Haïtiens, l’arrivée de la FSG
suscite non pas l’espoir, mais un scepticisme résigné. À Port-au-Prince, les
habitants se souviennent des casques bleus de la MINUSTAH, de l’épidémie de
choléra qui a suivi, des policiers kényans arrivés l’an passé, et de
l’interminable défilé de missions, mandats et acronymes. Chaque intervention
était présentée comme un tournant ; chacune, avec le temps, est devenue un
symbole de frustration et de promesses non tenues.
Les faits sur le terrain sont accablants. Les
gangs contrôlent une grande partie de la capitale et au-delà, exerçant leur
pouvoir avec une brutalité à laquelle une police sous-équipée et politisée ne
peut faire face. Le gouvernement, dirigé par un conseil de transition non élu,
est largement perçu comme manquant de légitimité et de capacité. Les élections
n’ont pas eu lieu depuis près de dix ans. La crise humanitaire s’aggrave.
Comme l’a déclaré l’Honorable Michaëlle Jean –
ancienne Gouverneure générale du Canada et aujourd’hui figure de proue du
dialogue civique haïtien – lors d’un récent sommet sur Haïti à l’ONU : « Après
pratiquement une décennie sans élections… la population haïtienne croule sous
le poids quotidien d’une insécurité extrême, d’une crise humanitaire aigüe et
d’un effondrement presque total des institutions publiques. » Selon elle, la
communauté internationale a été « perpétuellement indécise, inerte, et incohérente
» – et, surtout, n’a pas su apprendre de ses propres erreurs.
L’amnésie du monde
Ce qui frappe n’est pas la préoccupation du
monde pour Haïti, mais son incapacité à se souvenir de son propre passé sur
place. Des décennies « d’assistance » ont oscillé entre interventions
autoritaires et soutiens timides et sous-financés. Les missions internationales
ont, à maintes reprises, échoué à renforcer les propres forces de sécurité, les
institutions ou l’État de droit haïtiens. Les sanctions contre les chefs de
gangs sont restées sans effet, les armes continuent d’affluer depuis les pays
voisins, et le cycle se répète.
La nouvelle FSG, comme ses prédécesseurs, n’a
pas pour mandat de s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité haïtienne :
pauvreté chronique, effondrement du système judiciaire, effets délétères de la
corruption et profond sentiment d’abandon ressenti par les Haïtiens ordinaires.
Elle est plutôt chargée de « réprimer les gangs » et de « restaurer l’autorité
de l’État » – comme si ces objectifs pouvaient être imposés par la force
étrangère, plutôt que patiemment reconstruits de l’intérieur.
Les acteurs internationaux, quant à eux,
continuent de prôner des « solutions haïtiennes » – alors même que leurs
actions, aussi bien intentionnées soient-elles, tendent à étouffer les voix
locales et à saper la prise en main nationale. Lors du récent « Sommet sur les
solutions : Haïti compte », organisé en marge de l’Assemblée générale de l’ONU
à New York, groupes de la société civile et universitaires haïtiens ont plaidé
pour un processus véritablement inclusif, fondé sur le dialogue et le respect
de la souveraineté.
Le prix de l’oubli
Pourquoi le monde persiste-t-il à commettre les
mêmes erreurs en Haïti ? Les réponses sont complexes, mais connues : la
tendance à rechercher des solutions rapides plutôt qu’à bâtir patiemment des
institutions, la préférence pour l’action visible plutôt qu’un engagement
soutenu, et le manque d’obligation de rendre des comptes – tant du côté des
dirigeants haïtiens que de celui de leurs partenaires internationaux.
Aujourd’hui, alors que le Conseil de sécurité
s’autocongratule et que les États donateurs promettent leur soutien, le plus
difficile reste à faire. « N’abandonnons pas Haïti, » a supplié Michaëlle Jean
– n’abandonnons pas Haïti. Mais le monde ne doit pas non plus s’entêter dans
des interventions qui laissent intacte la gangrène profonde.
S’il est une leçon à retenir, c’est que l’avenir
d’Haïti ne pourra être assuré par la force seule, ni par des solutions imposées
de l’étranger. Il faudra de l’humilité, de la mémoire, et une volonté – enfin –
d’écouter le peuple haïtien.
En attendant, l’incapacité du monde à apprendre
de ses échecs en Haïti restera non seulement une tragédie pour les Haïtiens,
mais aussi une tache sur la conscience de la communauté internationale.
Patrick Prézeau
Stephenson is a Haitian scientist, policy analyst, financial advisor and author
specializing in Caribbean security and development.
Contact Médias Patrick Prézeau Stephenson:
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