L’état d’urgence en Haïti : Course contre la montre mettant à l’épreuve le droit face à la guerre urbaine

 


Haiti’s State of Emergency: A Race Against Time Testing the Limits of Law in Urban Warfare

By Patrick Prézeau Stephenson (Le Français suit)

PORT-AU-PRINCE, Haiti — When the Haitian government declared a three-month state of emergency on August 9, 2025, it was not merely invoking a constitutional tool. It was, in effect, admitting that the normal machinery of governance had collapsed in the face of an urban war it could neither contain nor outlast.

The measure, covering the West, Artibonite, and Centre regions — the breadbasket of the nation — comes at a time when armed groups have achieved not just territorial control but quasi-political authority. They levy taxes on roadways, regulate movement, and in some areas even stage public works, all while terrorizing residents through killings, kidnappings, and sexual violence.

From a legal standpoint, Haiti’s Constitution does allow the executive to declare a state of emergency when national security is threatened. Yet the provision was crafted with short-term crises in mind — hurricanes, natural disasters, or brief uprisings — not the grinding, years-long attrition of armed urban conflict. The emergency decree grants the state broad powers: curfews, warrantless searches, restrictions on gatherings. But it also concentrates authority in the hands of an executive that, in this case, is unelected and transitional, led by Laurent St-Cyr’s presidential council.

That legal ambiguity raises uncomfortable questions. Can a transitional government, whose legitimacy rests on international endorsement rather than popular mandate, indefinitely extend emergency measures without eroding the very democratic process it claims to defend? Haiti has a long history of “temporary” security decrees morphing into semi-permanent states of exception. Each extension chips away at civil liberties and normalizes extraordinary powers.

In the context of anti-urban warfare, however, the calculus shifts. Gangs in Port-au-Prince and surrounding regions do not merely challenge state authority — they have supplanted it. They control up to 90% of the capital, and their operations resemble insurgent warfare more than common criminality. The Haitian National Police, even with a Kenya-led United Nations mission at its side, is under-manned, under-equipped, and often infiltrated by the very actors it is supposed to fight.

Appointing André Jonas Vladimir Paraison as interim police chief signals an attempt to tighten the command structure. His past role as head of security at the National Palace — and his presence during the 2021 assassination of President Jovenel Moïse — make him a controversial choice, but perhaps a calculated one: he is seen as someone who understands the inner workings of both political power and security operations in a crisis.

The real challenge lies in aligning the state of emergency with a coherent strategy. Declaring emergency powers without a credible plan for reclaiming lost territories risks reducing the measure to symbolic lawfare. If gangs remain entrenched after three months, the government will face a familiar dilemma: extend the emergency and admit failure, or lift it and expose the population to renewed chaos.

In urban warfare, the state of emergency is not just a legal instrument — it’s a race against time. Its success depends on whether the Haitian state, for once, can break the cycle: using extraordinary powers not to entrench authority, but to dismantle the criminal structures that have replaced it. If that fails, February 2026 elections will be an exercise in fantasy, staged in a country where ballots and bullets occupy the same streets — and the latter still call the shots.

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L’état d’urgence en Haïti : Course contre la montre mettant à l’épreuve le droit face à la guerre urbaine

Par Patrick Prézeau Stephenson

PORT-AU-PRINCE, Haiti — Lorsque le gouvernement haïtien a décrété, le 9 août 2025, un état d’urgence de trois mois, il n’a pas seulement invoqué un outil constitutionnel. Il a, en réalité, reconnu que la mécanique ordinaire de la gouvernance avait cédé face à une guerre urbaine qu’il ne pouvait ni contenir ni surmonter.

La mesure, couvrant les régions de l’Ouest, de l’Artibonite et du Centre — le grenier du pays — intervient alors que les groupes armés ont acquis non seulement un contrôle territorial, mais aussi une forme d’autorité quasi-politique. Ils perçoivent des taxes sur les routes, réglementent les déplacements, et, dans certaines zones, organisent même des travaux publics, tout en terrorisant les habitants par des meurtres, des enlèvements et des violences sexuelles.

Sur le plan juridique, la Constitution haïtienne autorise l’exécutif à déclarer l’état d’urgence lorsque la sécurité nationale est menacée. Pourtant, cette disposition a été pensée pour des crises brèves — cyclones, catastrophes naturelles, soulèvements ponctuels — et non pour l’usure lente et continue d’un conflit armé urbain qui dure depuis des années. Le décret d’urgence confère à l’État de larges pouvoirs : couvre-feux, perquisitions sans mandat, restrictions de rassemblement. Mais il concentre aussi l’autorité entre les mains d’un exécutif non élu et transitoire, dirigé par le conseil présidentiel de Laurent St-Cyr.

Cette ambiguïté juridique soulève des questions inconfortables. Un gouvernement de transition, dont la légitimité repose sur l’aval de la communauté internationale plutôt que sur un mandat populaire, peut-il prolonger indéfiniment de telles mesures sans saper le processus démocratique qu’il prétend défendre ? L’histoire haïtienne regorge de décrets de sécurité « temporaires » devenus quasi permanents. Chaque prolongation érode un peu plus les libertés publiques et banalise l’exceptionnel.

Dans le contexte de la guerre urbaine, toutefois, le calcul est différent. Les gangs de Port-au-Prince et des régions environnantes ne se contentent pas de défier l’autorité de l’État : ils l’ont remplacée. Ils contrôlent jusqu’à 90 % de la capitale, et leurs opérations ressemblent davantage à celles d’insurgés qu’à celles de criminels ordinaires. La Police nationale d’Haïti, même appuyée par une mission des Nations unies dirigée par le Kenya, reste sous-dotée en effectifs, en moyens, et souvent infiltrée par les acteurs mêmes qu’elle est censée combattre.

La nomination d’André Jonas Vladimir Paraison comme directeur général par intérim de la police traduit une volonté de resserrer la chaîne de commandement. Son passé à la tête de la sécurité du Palais national — et sa présence lors de l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021 — en font un choix controversé, mais peut-être calculé : il est perçu comme un homme connaissant à la fois les rouages du pouvoir politique et les opérations de sécurité en période de crise.

Le véritable enjeu réside dans la capacité à aligner l’état d’urgence sur une stratégie claire. Proclamer des pouvoirs exceptionnels sans plan crédible pour reconquérir les territoires perdus risque de réduire la mesure à une gesticulation juridique. Si, dans trois mois, les gangs restent solidement implantés, le gouvernement sera confronté à un dilemme : prolonger l’urgence et reconnaître l’échec, ou y mettre fin et exposer la population à un regain de chaos.

Dans la guerre urbaine, l’état d’urgence n’est pas seulement un instrument juridique — c’est une course contre la montre. Son succès dépendra de la capacité de l’État haïtien, pour une fois, à rompre le cycle : utiliser les pouvoirs extraordinaires non pas pour consolider son autorité, mais pour démanteler les structures criminelles qui l’ont remplacée. Faute de quoi, les élections de février 2026 ne seront qu’un simulacre, organisées dans un pays où les bulletins et les balles partagent les mêmes rues — et où ces dernières dictent encore la loi.

 

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