La Cession de la Louisiane et la Rançon d'Haïti à la France : Comparaison et Analyse
Patrick Prézeau
Stephenson et al., Collectif du Manifeste L’Appel du Lambi.
Septembre 2023
Introduction
La cession de la
Louisiane par la France aux États-Unis en 1803 et la rançon versée par Haïti à
la France pour son indépendance en 1825 sont deux événements historiques
majeurs qui ont eu un impact significatif sur l'histoire des deux nations.
Cette étude comparative se penchera sur les similitudes et les différences
entre ces deux événements, en examinant leurs contextes historiques, leurs
conséquences politiques et économiques, ainsi que leurs implications pour les
peuples concernés.
Contexte
Historique
Au tournant du
XIXe siècle, deux événements majeurs ont profondément marqué l'histoire des
Amériques et ont eu des conséquences durables sur les destins de la Louisiane
et d'Haïti.
La cession de la
Louisiane à la France par l'Espagne en 1800 a ouvert une page importante dans
l'histoire des États-Unis. À cette époque, Napoléon Bonaparte, avec l'ambition
de revitaliser la colonie française de St-Domingue (aujourd'hui Haïti), a
rapidement décidé de céder la Louisiane aux États-Unis en 1803. Cette
acquisition territoriale a été conclue à un prix étonnamment bas, soit 3 cents
par acre, ce qui équivaut à plus de 15 millions de dollars ou 80 millions de
francs or au total. Pour donner une perspective contemporaine, cela
représenterait environ 3 milliards de dollars en 2023. Cette transaction a
doublé la taille du territoire américain et a joué un rôle clé dans l'expansion
vers l'ouest des États-Unis.
En revanche, la
rançon que la France a exigée d'Haïti découle de la révolution haïtienne qui a
abouti à l'indépendance d'Haïti en 1804. Haïti est ainsi devenue la première
nation noire indépendante des Amériques. Toutefois, la France a imposé une
somme exorbitante de 150 millions de francs-or en échange de la reconnaissance
de cette indépendance. Cette somme était astronomique, équivalant à environ 21
milliards de dollars en 2000, et plus de 80 milliards de dollars en 2023. Il
convient de noter que cette rançon a représenté une charge économique écrasante
pour le jeune État haïtien, dont le territoire ne faisait que 27 700 km2, soit
77 fois plus petit que la Louisiane cédée aux États-Unis.
Méthodologie:
1. Valeurs
initiales :
• Pour l'achat de la
Louisiane : Le montant initial est de 15 000 000 $.
• Pour la rançon
Haïti : Le montant initial est de 22 400 000 $.
2. Taux de croissance
moyen supposé du PIB :
• Le taux de
croissance moyen supposé pour l'achat de la Louisiane est de 2,5 % par an, soit
le taux d'inflation moyen pour cette période aux États-Unis.
• Le taux de
croissance moyen supposé pour est de 4.2 % pour la rançon haïtienne, le taux de
croissance moyen du PIB de Cuba pour cette période.
On applique alors la
formule des intérêts composés :
A = P(1 + r/n)^(nt)
Où:
A est le montant
final après intérêts.
P est le montant
principal (le montant initial).
r est le taux
d'intérêt annuel (sous forme décimale).
n est le nombre de
fois que les intérêts sont composés par an.
t est le nombre
d'années.
Résultats
Ce graphique
présente l'évolution de 15 millions de dollars pour la Louisiane et de 22,4
millions de dollars pour la rançon d'Haïti, placés à un taux moyen d'inflation
de 2,5 % sur une période donnée. L'inflation est un facteur économique crucial
qui mesure la variation des prix des biens et des services au fil du temps.
Lorsque
l'inflation augmente, la valeur réelle de l'argent diminue, ce qui signifie que
les mêmes montants d'argent peuvent acheter moins de biens et de services. Dans
ce contexte, il est essentiel de comprendre comment la croissance d'un
investissement peut être influencée par l'inflation.
Comme le montre le
graphique dans Fig 1, les 22,4 millions de dollars placés à un taux
moyen d'inflation de 2,5 % augmentent progressivement au fil des ans pour
atteindre environ 3,5 milliards en 2023. Cela met en évidence l'impact
significatif de l'inflation sur la valeur de l'argent à long terme.
Ce graphique
souligne également l'importance de tenir compte de l'inflation lors de la
gestion de paiements d'emprunts et de la planification financière à long terme.
Il met en lumière la nécessité de protéger la valeur réelle des fonds investis
afin de maintenir leur pouvoir d'achat au fil du temps.
Fig. 1 __Graphique montrant la croissance de 22,4 millions
de dollars placés au taux moyen d'inflation de 2,5 % :
Comparaison
de la Croissance Financière : Louisiane vs Haïti
Ce graphique offre
une perspective fascinante sur l'impact économique de deux événements
historiques majeurs : l'achat de la Louisiane par les États-Unis en 1803 et la
rançon de l'indépendance haïtienne en 1825. Nous examinons comment un montant
initial de 22,4 millions de dollars, équivalent à la somme payée dans le cas de
la rançon, a évolué au fil du temps en tenant compte du taux moyen d'inflation
de 2,5 % pour la Louisiane et du taux d'intérêt de 4,2 % basé sur la croissance
moyenne du PIB de Cuba pendant cette période.
La croissance de
la Louisiane a été progressive mais stable, avec une légère réduction due à
l'inflation. En revanche, la rançon de l'indépendance haïtienne, qui était en
réalité une dette contractée auprès de la France, a connu une croissance plus
rapide grâce à un taux d'intérêt plus élevé. Cependant, cette croissance a été
entachée par le fardeau de la dette, qui a eu un impact significatif sur la
croissance économique d'Haïti (Fig 2)
Ce graphique nous
rappelle que les décisions économiques et financières prises dans le passé ont
des répercussions à long terme sur l'économie d'un pays. Les conséquences de
ces événements historiques continuent d'influencer la trajectoire économique de
ces régions jusqu'à nos jours.
Fig. 2 __22,4 millions de dollars placés au taux moyen
d'inflation de 2,5 % pour la Louisiane et à 4,2 % pour la rançon de
l'indépendance haïtienne, ce qui correspond à la perte de croissance de leur
PIB due à cette rançon. Le taux d'intérêt de 4,2 % correspond aux taux moyens
de croissance du PIB de Cuba pendant cette période.
Conséquences
Politiques
La cession de la
Louisiane a eu un impact majeur sur l'expansion territoriale des États-Unis,
renforçant leur puissance en Amérique du Nord. Elle a également contribué à
l'équilibre entre les États esclavagistes et non esclavagistes au sein de
l'Union.
En revanche, la
rançon d'Haïti a eu un impact dévastateur sur son économie naissante. Le
paiement de cette somme colossale à la France a plongé Haïti dans une dette
insurmontable qui a entravé son développement économique pendant des décennies.
Conséquences
Économiques
La cession de la
Louisiane a ouvert d'immenses terres agricoles aux États-Unis, favorisant le
développement de l'agriculture et de l'industrie sur ces terres nouvellement
acquises. Cela a eu un impact économique positif sur le pays.
D'autre part, la
rançon d'Haïti a épuisé les ressources financières du pays. Haïti a été
contrainte de contracter d'importants emprunts pour payer cette somme, ce qui a
créé un fardeau économique écrasant.
Implications
pour les Peuples Concernés
La cession de la
Louisiane a été largement bénéfique pour les États-Unis, contribuant à leur
croissance économique et à leur expansion territoriale.
En revanche, la
rançon d'Haïti a laissé un héritage de dette et de pauvreté persistante, ayant
un impact négatif sur le développement du pays et la vie de ses habitants.
Négocier avec
la France un accord de compensation
Il est crucial de
souligner que la politique étrangère d'Haïti doit constamment évoluer pour
servir au mieux les intérêts de la nation et de son peuple. Dans cette optique,
il est opportun de réfléchir à la possibilité de revoir la pertinence de
négocier avec la France un accord de compensation qui pourrait contribuer au
financement de nos programmes de santé et d'éducation pour la jeunesse.
D’ailleurs, l’ex président, François Hollande, a reconnu ces paiements comme «
la rançon de l'indépendance » dans un discours de 2015, mais le gouvernement Français
de l’époque est rapidement revenu sur sa promesse de « rembourser la dette que
nous avons », affirmant qu'il ne s'agissait que d'une dette morale et non
financière.
La diplomatie
moderne repose sur la recherche de solutions pacifiques et mutuellement
bénéfiques aux différends et aux préoccupations nationales. À cet égard, il
serait approprié d'explorer une voie diplomatique avec la France qui prendrait
en considération les implications historiques et économiques de notre histoire
commune. La recherche d'une forme de compensation financière, basée sur un
dialogue ouvert et respectueux, pourrait ouvrir la porte à des opportunités de
coopération accrue entre nos deux pays.
La santé et
l'éducation sont des piliers essentiels du développement d'Haïti. En explorant
des mécanismes de compensation qui contribueraient à renforcer ces secteurs
vitaux, nous pourrions non seulement améliorer la qualité de vie de notre
population, mais aussi renforcer nos liens diplomatiques avec la France. Ce
processus nécessiterait un dialogue constructif, une négociation équilibrée et
la recherche de solutions qui répondent aux besoins des deux parties.
En fin de compte,
l'objectif serait de forger un partenariat fondé sur la compréhension mutuelle,
le respect et la coopération, qui bénéficierait à la fois à Haïti et à la
France. Dans cette perspective, il est essentiel de continuer à évaluer et à
adapter notre politique étrangère pour répondre aux besoins changeants de notre
nation, tout en cherchant des moyens novateurs de renforcer nos efforts en
matière de santé et d'éducation pour les jeunes générations.
Conclusion
En comparant la
cession de la Louisiane et la rançon d'Haïti à la France, il est clair que ces
événements ont eu des conséquences significatives sur leurs pays respectifs.
Tandis que la cession de la Louisiane a renforcé les États-Unis en tant que
nation en expansion, la rançon d'Haïti a entravé le développement économique du
pays. Ces événements illustrent les complexités de l'histoire coloniale et
impérialiste, ainsi que les défis auxquels les nations nouvellement
indépendantes ont dû faire face au XIXe siècle.
Références
Equal Justice Initiative,
2022. Haiti’s Forced Payments to Enslavers Cost Economy $21 Billion, The New
York Times Found. https://eji.org/news/haitis-forced-payments-to-enslavers-cost-economy-21-billion-the-new-york-times-found/
consulted September, 26 2023.
Simon HENOCHSBERG December
2016.
Public debt and
slavery : the case of Haiti (1760-1915) consulted
September, 26 2023.
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